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tacle d’une douzaine de jeunes femmes rinçant dans le fleuve et frappant à grands battements clairs le linge blanc et bleu, est une belle et plaisante chose à voir. Mais, quand nous mènerons nos enfants au musée des Invalides quelque dimanche après-midi, et que nous leur montrerons ces drapeaux qui, pendant quatre années dormirent d’un auguste sommeil dans des cantonnements de train de combat, nous leur dirons, à nos enfants, non plus les choses qu’on nous avait dites et dont le mensonge nous prit à la gorge dans des tranchées blêmes, mais que ces jolies pièces de soie brochée, cousues après ces manches de bois représentent le symbole farouche d’une religion exigeante, aujourd’hui délaissée.

Et s’il faut qu’un reste de haine subsiste dans ces enseignements de l’ancien soldat, cette haine n’ira qu’aux chefs civils et militaires et au principe même au nom desquels ont agi ces chefs. Ce sera une haine révolutionnaire ; ce ne sera plus une haine nationale.

Dans le Kaiser nous haïrons l’Empereur, et non l’Allemand.[1]

Cette réconciliation des peuples, nécessaire au bon fonctionnement de la Société des Nations, nécessaire donc à la vie du monde, à la prospérité populaire, à la sécurité publique, qui donc mieux qu’un Congrès de toutes les Associations d’anciens Combattants d’Europe et d’Amérique auraient autorité pour l’imposer ? Qui donc, mieux que cette assemblée, aurait autorité pour fouler aux pieds la haine, et qui oserait la leur retirer de dessous les pieds !

Sans nous, que pourra être Wilson, sinon un phraseur ?

À nous donc, qui nous sommes entretués, à faire le premier geste d’où naîtra l’Unité.

Aussi faudra-t-il qu’à côté des Congrès de l’Internationale socialiste et syndicaliste, un Congrès des Victimes se tienne, qui sera le grand reniement historique de la gloire par les héros eux-mêmes — qui sera comme le démantèlement des Patries par ceux même qu’on avait portés aux créneaux, — qui sera la définitive trahison de l’Humanité au Devoir de Haine.

Et puis, quiconque a fait la guerre a droit à dicter la paix.

  1. Ceci fut écrit avant l’éclosion de la Révolution allemande.