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pour négliger de flagorner le pouvoir ; si, enfin, conscients de leur solidarité de classe, ils osent être demain les porte-emblème des revendications populaires, ils sauveront le monde en assurant leur pain quotidien.

À chacun des problèmes qui frôlent la loi des Pensions (c’est-à-dire tout ce qui touche au budget national), les mutilés pourront suggérer une solution et comme dans les villages autrefois on écoutait avec crainte respectueuse les guerriers aveugles, ainsi les hommes seraient-ils contraints d’écouter la voix des anciens combattants.

En un mot, droits et devoirs sont liés en un seul faisceau, et au surplus ne sont qu’une même chose, puisque le seul devoir du peuple est d’exercer ses droits.

Voilà les mutilés condamnés, s’ils veulent vivre, à reprendre leur place en première ligne, dans une autre lutte d’une autre Défense Nationale, lutte plus sourde, plus âpre encore, plus féroce que celles d’où ils reviennent et qui exige un courage plus rare que le simple courage de se faire tuer en groupe : je veux dire le courage de son opinion, et l’effort intellectuel nécessaire pour atteindre à une opinion.


IV

Le Programme


Et s’il est vrai que l’ancien combattant soit condamné à la politique, comme il a été condamné à la tranchée, quelle politique choisir ? Pourquoi aller à gauche ou à droite ? Pourquoi risquer l’avenir d’une cause universellement respectée sur la chance d’un parti ? Pourquoi déchoir ? Pourquoi descendre encore dans la lutte, encore boire de la poussière, encore cueillir de la boue, encore subir de la haine ?

Qu’on prenne seulement le soin de feuilleter dans l’Officiel le compte rendu des débats de la loi des Pensions à la Chambre ; on jugera. On verra avec quelle spontanéité se sont groupés les partis, tout ce qu’il y avait de démocrates sincères se ralliant autour des mutilés, et, d’instinct, tout ce qui tenait aux classes possédantes, s’entendant pour étouffer des prétentions fâcheuses.

On les connaissait, pourtant, les vœux des mutilés.