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même sort et que l’économie sur les salaires profitât non pas au capitalisme, mais à l’Etat.

Là aussi, l’extrémisme de droite a suscité un extrémisme de gauche. La décrépitude des libertés syndicales et des lois de protections ouvrières (parallèle à l’augmentation des forces syndicales mentionnée plus haut : il y a là un déséquilibre grave)… le redoublement de tyrannie qui, pour le bénéfice d’un actionnaire, renouvelait sous prétexte de mobilisation cette insulte permanente à la dignité du travailleur qu’on appelait il y a 50 ans : le livret ; cette autorité de marchand d’esclaves qui pouvait, d’un geste, séparer un homme des siens et l’envoyer d’une usine à l’autre, sans explication, sans prétexte, sans raison militaire, sans autre cause qu’une trop grande vigueur syndicale, cette insolence enfin, affichée par des enrichis, ont creusé la tranchée funeste, l’ont enrobée de barbèlements acérés, l’ont peuplée d’une multitude muette, attentive, immobile encore.

Comme si ces griefs n’étaient pas, par eux-mêmes suffisants, le Gouvernement s’est appliqué à en créer d’autres, plus rares, mais flagrants.

Soldats, mutilés et ouvriers ont de mauvais juges.

Il y a là un hideux chapitre de la guerre qu’on n’a pas encore écrit. Mais le jour est venu d’ouvrir les archives infâmes des cours martiales, ces tribunaux illégaux qui suivaient les offensives et les retraites comme les hyènes suivent le lion, et qui tuaient sans défense, sans preuves, sans pièces, sans témoins… Le temps est venu de poser la question : Qui a pris sur lui de violer la loi ? Qui a rédigé les circulaires sur les mutilations volontaires ? Qui s’est permis de faire manœuvrer la peine de mort au mépris de la loi ? Qui donc a trouvé trop généreux encore et trop indulgent le Code de Justice Militaire ?

Et il faudra bien qu’on réponde ! À la modeste demande d’ammistie générale réclamée par le député socialiste Jobert, M. Ignace, avec une morgue triste qu’il prend pour de la fermeté, répondit par un refus hautain, se bornant à laisser entendre qu’on procéderait à quelques révisions individuelles… Hein ? Quoi ? Sait-on que c’est par dizaines et dizaines de mille que se chiffre le nombre des victimes des conseils de guerre et des cours martiales ? Alors ? Attendre 10, 20, 30 ans ? Et d’ici là peupler le sud-oranais ou les casemates rhénanes de milliers d’honnêtes pères de famille qui paieraient de la misère de leur vie et des leurs, un geste de colère contre un gradé ?

Là encore la maladresse des maîtres aiguise une situation délicate. On compare l’impunité évidente de fautes qui