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qu’on la croie, reparaît comme autrefois la marque sur l’épaule des forçats, au premier choc.

Mieux encore, à Verdun, en Champagne, Picardie, Flandre, Artois…, les plus sensibles et perspicaces auront connu l’éblouissement de Paul de Tarse sur le chemin de Damas, de Clovis au milieu du fracas de Tolbiac et, avec la même ferveur — j’en pourrais nommer plus d’un — ils ont juré de donner leur vie (s’ils en revenaient), à la grande œuvre d’une Europe cohérente, sans capitalisme, sans impérialisme, et populaire.

Les autres, ceux qui n’auront pas connu dès le champ de bataille ce choc presque mystique, ils s’éveilleront peu à peu à l’horreur de cette guerre qu’ils auront faite ; ils la haïront mieux en souvenir que dans l’égarement de la mitraille ; ils la jugeront, et derrière l’horreur de la guerre, vient la sagesse, puis l’action.


II

Revendications personnelles


La guerre n’était pas finie que déjà la situation faite aux anciens combattants se mesurait chichement.

Quels sentiments véritables animent les classes dirigeantes ? Les discours et votes de leurs représentants lors de l’élaboration de la loi des pensions militaires, les ont révélés. Un flux huileux d’éloquence cicéronienne, des attitudes théâtrales : « Les Poilus ont des droits sur nous », « Dette impérissable », un assaut de discours latins chez les Jésuites.

Mais d’une reconnaissance législative du droit à la réparation, rien ! Refus. Refusé aussi, le tarifage égalitaire des pensions entre tous les mutilés de tous les grades — une phalange d’orteil de général vaut jambe et cuisse de soldat père de famille — (ceci, comme si l’on voulait marquer que l’un et l’autre n’ont pas défendu la même chose et qu’il y a eu une dupe). Refusé aussi, cet équitable projet du Congrès des Mutilés de Lyon, selon lequel le taux des pensions serait proportionnel au coût de la vie ! Non ! Qu’avec la complicité des Pouvoirs Publics et la concussion des Ministres, les accapareurs poursuivent pendant la guerre et au delà, leur travail de renchérissement, voilà qui est juste. Mais point que