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Julie

Ce n’est point sur l’habit que mon esprit contrôle.
Ma taille et ma figure iront de reste au rôle.
Mon père, qui dans tout croit toujours voyager,
Dit que j’ai l’air Persan, le profil étranger,
Le menton Espagnol, l’oreille Japonoise,
Le nez Américain, et la bouche Chinoise.
S’il dit vrai, je crois fort qu’en mêlant tout cela,
Je pourrai bien avoir un air de Canada.
L’habit au par-dessus soutiendra l’équivoque.
Tout va bien jusqu’ici : mais certain point me choque.

La marquise

Quel est-il ?

Julie

Quel est-il ? Franchement, il doit me déceler.
Croyez-vous me tenir une heure sans parler ?
S’il faut qu’avec mes traits ma langue se déguise,
Je ne réponds de rien. Madame la Marquise.

La marquise

Quand vous réfléchirez que ce n’est qu’à ce prix
Que je peux vous devoir le bonheur de mon fils,
Votre amitié pour moi saura, sans répugnance,
Surmonter l’embarras d’une heure de silence.

Julie

Mon amitié pour vous me fait risquer un pas
Que sans elle vraiment je ne risquerais pas.
Faut-il que mon désir de vous nommer ma mère,
Par votre propre fils devienne une chimère ?