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des éléphants. — Vous vous trompez, monsieur, lui répondis-je, car dans ce temps-là ils n’étaient point encore en fleur. » Il resta plus sot que les poulets d’Inde qu’il venait de citer. Je pris cette occasion pour parler à mon tour, dans le dessein d’en donner à garder à celui qui en voulait faire accroire aux autres : je commençai donc ainsi :

« Puisque vous avez été à Dieppe, monsieur, vous avez dû voir les curiosités que l’on conserve dans le château de cette ville, entre autres une petite fiole de huit pintes, que l’on dit être parente du côté gauche d’une des cruches des noces de Cana, remplie du vomissement qui prit à saint Jean l’Apocalypse lorsqu’il mangea le livre qu’un Ange lui donna, dont l’amertume des feuillets pensa le faire crever : autour de cette fiole règne l’histoire de saint Alexis en relief, d’un marbre rouge sterling, soutenu par quatre pyramides à fleur de tête à perruque, sur l’air : de tous les capucins du Monde ; mais lorsqu’on s’en approche comme pour y toucher, on découvre une perspective de bois flotté qui fait éternuer par les deux bouts ; ensuite on passe dans un endroit où l’on tire d’une petite boîte ovale par les deux extrémités et ronde par les quatre coins, de façon qu’elle forme une espèce de moulin à café ; on tire, dis-je, de cette boîte, une pierre de touche de quinze lieues à la ronde, qui représente les oies du frère Philippe, gravées par les trois anges dans la fournaise ; on expose ce tableau à la porte de la chapelle dudit château pour signifier qu’il y a indulgence plénière sans miséricorde.

— Eh ! pourquoi donc cela ? me dit une demoiselle.

— Parce qu’en ce pays-là, lui répondis-je, c’est la mode, comme ce l’est à Paris de manger des épinards de maroquin.