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À leur arrivée, on incorpora le nouveau soldat ; il fallut apprendre à faire l’exercice, monter la garde, fournir la chambrée de toutes les menues nécessités ; la sensible Babet l’aidait dans cette dernière corvée. Les camarades de Félix trouvant sa maîtresse jolie, lui donnaient quelquefois de petits baisers, qui ne demandaient pas mieux que de caractériser l’insolence ; son sergent même la courtisait de près ; cette faveur insigne eût été pour toute autre que Babet un écueil contre lequel la fidélité aurait pu échouer ; mais elle n’y répondit que par les dédains les plus marqués : le vindicatif sergent, après de vaines tentatives et des propositions aussi vaines, résolut de s’en venger par les voies de l’ignominie : il surprit adroitement la montre du lieutenant, et accusa Babet de ce larcin ; en vain elle s’en défendit, ni les protestations de la probité, ni les larmes de l’innocence ne la justifièrent. Son ennemi, chargé de visiter ses bardes et son linge, n’eut pas de peine à y glisser ce qu’il affectait d’y chercher, et montrant le vol aux deux témoins qui l’assistaient, il n’en fallut pas davantage pour faire emprisonner la pauvre Babet. Son jugement fut bientôt rendu, et elle se vit condamnée à passer par les baguettes ; son amant même fut nommé pour être du nombre de ceux qui devaient faire cette injuste exécution. Figurez-vous la douleur du triste Félix lorsque celle qu’il chérissait plus que lui-même et qu’il savait n’être point coupable, parut sur la place d’armes les mains liées, les épaules nues, et toute tremblante et éplorée d’un si cruel appareil. Elle passa enfin ; trente coups de verges à la première passade lui enlevèrent l’épiderme, et le sang se faisant place à travers les sillons que le supplice traçait sur sa chair laissait voir le spectacle le plus touchant : quel mo-