Une transformation parallèle s’est accomplie dans la notion des classes. Broca ne se doutait pas que les sélections sociales s’exerçâssent d’une manière inégale sur les races d’une même population. Il savait que Durand avait constaté dans l’Aveyron une différence morphologique entre les classes sociales, mais il l’avait attribuée à une inégale répartition géographique des conquérants et des conquis. J’ai été très étonné moi-même, quand, après avoir formulé d’une manière plus précise le fonctionnement des sélections sociales, je me suis aperçu que leur résultat se manifestait en chiffres dans les variations de l’indice céphalique. Aux cas isolés cités par Durand s’ajoutèrent d’abord d’autres cas isolés observés par moi-même dans l’Hérault, et aussitôt après les résultats publiés par Ammon, à partir de 1890, prouvèrent que le phénomène avait trop d’ampleur pour ne pas reconnaître des causes générales.
Il importe de remarquer combien sont indépendantes la théorie des sélections sociales, presque entièrement sociologique, telle que je l’ai construite avant 1890, et celle de la différence de l’indice céphalométrique, ou, plus généralement, des caractères morphologiques des catégories sociales produites par ces sélections. Cette différence aurait pu ne pas exister, par exemple chez une population rigoureusement homogène de race, ou formée de races psychologiquement équivalentes, que le sélectionnisme, théorie explicative de l’histoire et théorie de perfectionnement de l’humanité, n’en aurait pas subi le moindre changement.
