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— Je ne sais pas. Vous qui connaissez toute la ville, allez me le dire.

Zoé sourit.

— Décrivez-les-nous, mon oncle, on va essayer de deviner.

— Hé bien, c’était évidemment deux sœurs, la plus âgée était la plus grande. Elles avaient des écharpes légères jetées gracieusement sur leurs épaules, des capotes à loquet blanc entouraient des visages charmants, des mitaines noires sur les doigts fins... un réticule ample en tapisserie.

— Ah ! s’écria Zoé, vous les avez regardées comme un policier... ou comme un amoureux, mais les figures...

— La jeune a le teint rose, les yeux châtains clairs. L’autre a îa chevelure un peu grise, elle est plus maigre. Les connaissez-vous ?

— Je crois deviner, annonça l’adjoint, ce doit être les Demoiselles d’Allencourt.

— Oh ! alors elles ne sont pas mariées, l’âge qu’elles révèlent permettrait de supposer le titre de Madame.

— Évidemment, mais elles ne l’ont pas voulu. Elles habitent une petite propriété en Reculée au bord de la Maine. Elles s’occupent d’art, de bonnes oeuvres, et sont très recherchées dans le monde pour leur esprit, et leur nature bienveillante. Seulement elles ne se prodiguent pas et choisissent leurs relations.

— Mais elles viennent chez moi, expliqua Mme Michel Semtel, ma propriété des Roseaux joint leur jardin du Frêne qui est inondé quand la rivière croît trop et je donne asile à leurs poules et à leurs lapins pendant quelques jours. Elles sont des plus aimables et me rendent mes services en jolies broderies qu’elles exécutent admirablement pour mes ventes de charité. L’été, quand je vais à ma campagne, je leur fais une visite et j’accepte avec elles une collation. En revanche, j’ai le plaisir de les avoir a dîner pendant les jours gras, la cavalcade passe en vue de mes fenêtres, c’est une occasion pour avoir mes amis,

— Ma chère soeur, vous me seriez bien agréable en me mettant au nombre de vos invités privilégiés ces jours-là, fit René.

— Tiens, tiens, auriez-vous rêvé de convoler en justes noces, mon vieil Africain.

— Oui, oui, il aurait raison, approuva le ménage Lamotte. Mlle Nicole en serait ravie.

— Hélas ! déclara Semtel, je suis bien vieux.

— Allons donc, vous avez bon pied, bon œil, un tas de croix et médailles qui prouvent que vous n’êtes pas manchot.