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pitoyable. D’abord, pour faire preuve de force, il est allé prononcer à l’Institut l’éloge commun d’une mâchoire allemande dont il se moquait. Malgré tant de spectacles dont nos yeux ont été rassasiés, on a fait la haie pour voir passer le grand homme ; ensuite il est venu mourir chez lui comme Dioclétien, en se montrant à l’univers. La foule a bayé à l’heure suprême de ce prince, aux trois quarts pourri, une ouverture gangreneuse au côté, la tête retombant sur sa poitrine en dépit du bandeau qui la soutenait, disputant minute à minute sa réconciliation avec le ciel, sa nièce jouant autour de lui un rôle préparé de loin entre un prêtre abusé et une petite fille trompée. Il a signé de guerre lasse (ou peut-être n’a-t-il pas même signé), quand sa parole allait s’éteindre, le désaveu de sa première adhésion à l’Église constitutionnelle, mais sans donner aucun signe de repentir, sans remplir les derniers devoirs du chrétien, sans rétracter les immoralités et les scandales de sa vie. Jamais l’orgueil ne s’est montré si misérable, l’admiration si bête, la piété si dupe. Rome, toujours prudente, n’a pas rendu publique, et pour cause, la rétractation. M. de Talleyrand, appelé de longue date au tribunal d’en haut, était contumax ; la mort le cherchait de la part de Dieu, et elle l’a enfin trouvé. Pour analyser minutieusement une vie aussi gâtée que celle de M. de La Fayette a été saine, il faudrait affronter des dégoûts que je suis incapable de surmonter. Les hommes de plaies ressemblent aux carcasses de prostituées : les ulcères les ont tellement rongés qu’ils ne peuvent plus servir à la dissection.

» La révolution française est une vaste destruction