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fiés, et que d’importantes réformes étaient nécessaires.

Au lendemain de l’entrée à Paris des armées étrangères, M. de Talleyrand ne fut accepté par la monarchie restaurée des Bourbons que comme un ancien ennemi, mais auquel on pardonnait ses trahisons en considération des importants services qu’il venait de rendre. M. de Montesquiou, ami sûr, éclairé, offrait, au contraire, de nobles et utiles garanties à la monarchie contre le débordement des idées révolutionnaires, et promettait aux partisans de la nouvelle monarchie constitutionnelle de maîtriser les emportements, les envahissements du parti de l’émigration.

Tous ceux qui ont connu M. de Talleyrand et M. de Montesquiou, et qui les ont vus à l’œuvre dans des circonstances si difficiles et déjà si loin de nous, s’accordent à dire que ces deux hommes d’État n’avaient aucune sympathie l’un pour l’autre. M. de Talleyrand trouvait dans les principes et dans la conduite de M. de Montesquiou la satire vivante, la condamnation de sa propre conduite et de son dédain pour tout principe.

Chateaubriand, dans ses Mémoires d’outre-tombe, a flétri d’un jugement cruel et plein de mépris la mémoire de Talleyrand.

« Supposez, a-t-il dit, M. de Talleyrand plébéien, pauvre et obscur, n’ayant avec son immoralité que son esprit incontestable de salon : l’on n’aurait certes jamais entendu parler de lui. Otez de M. de Talleyrand le grand seigneur avili, le prêtre marié, l’évêque dégradé : que lui reste-t-il ? Sa réputation et ses succès ont tenu à ces trois dépravations. La comédie par laquelle le prélat a couronné ses quatre-vingt-deux années est une chose