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vasion, puis dans le premier ministère de la monarchie constitutionnelle. M. de Montesquiou et M. de Talleyrand étaient divisés sur tous les points ; antécédents, mœurs, conduite, convictions, tout contribuait à entretenir un antagonisme déclaré entre ces deux prêtres de la même Eglise.

M. de Talleyrand comptait trois années de plus que l’abbé de Montesquiou ; tous deux ils appartenaient à d’anciennes et illustres familles ; l’un et l’autre pouvaient prétendre aux plus éminentes dignités de leur ordre. Ils se suivaient toujours de très-près dans leur élévation aux charges publiques ; seulement M. de Talleyrand était un aîné, et il ne prit les ordres qu’à cause de sa claudication : l’abbé de Montesquiou était un cadet.

M. de Talleyrand avait été nommé agent général du clergé en 1780 ; l’abbé de Montesquiou lui succéda en 1783. Ils furent tous deux élus, par le clergé, députés aux états généraux de 89, qui devinrent bientôt l’Assemblée constituante ; mais ils ne siégeaient pas sur les mêmes bancs. M. de Talleyrand adopta les opinions du côté gauche ; M. de Montesquiou se plaça dans la partie modérée du côté droit. M. de Talleyrand prit part souvent à des votes empreints d’un esprit révolutionnaire très-avancé ; M. de Montesquiou resta toujours dévoué à tous les principes monarchiques. M. de Talleyrand avait servi toutes les causes : la république d’abord, l’empire après ; M. de Montesquiou fut toujours un des serviteurs les plus fidèles de la maison de Bourbon, tout en reconnaissant que les anciens principes du gouvernement monarchique devaient être au moins modi-