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cela fit que tous les petits journaux du temps tirèrent à la cible sur le vicomte de La Rochefoucauld, et le raillèrent à qui mieux mieux ; heureusement, les flèches de la sottise et de l’envie n’ont jamais tué ni blessé personne.

M. de La Rochefoucauld lia Rossini avec la France par un traité en règle. Pour chacun des opéras que ferait Rossini, et il s’engageait à en écrire au moins un par an, le maestro touchait une prime de dix mille francs, plus des droits d’auteur assez modiques ; mais ce que M. de La Rochefoucauld fit de plus important dans les intérêts de Rossini, le voici : il lui donna des chanteurs. Nourrit fils eut un nouvel engagement à l’Opéra, Levasseur et madame Damoreau quittèrent pour l’Opéra le Théâtre-Italien. L’Académie royale de musique eut un ténor, une basse et une grande première chanteuse ; on put alors, dans les dernières années de la restauration, 1828 et 1829, y faire exécuter une traduction de Moïse, une traduction du Siège de Corinthe, l’opéra en deux actes le Comte Ory, et le grand opéra entièrement inédit, Guillaume Tell.

La gloire de l’Opéra français date de là ; la gloire d’un théâtre en fait bientôt la fortune ; on se pressait aux représentations des belles œuvres de Rossini ; mais l’Académie royale de musique était alors placée sous l’administration de la maison du roi, et il était établi dans le beau monde surtout qu’on ne devait payer ni ses places, ni ses loges, et qu’il suffisait d’en demander à qui de droit. Les grosses recettes de l’Opéra n’ont commencé que sous ma direction ; mais, pour rendre à César ce qui appartient à César, je dois dire que j’ai surtout