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malheureuse. Pixérécourt perd toujours ! Enfin, il prend les cartes, il gagne ; une veine se déclare, il passe six fois, huit fois. Se tournant alors tout à coup vers Halévy, son voisin, assis là depuis plus d’une demi-heure. « J’ai votre affaire, lui dit-il, venez me voir demain matin. » Le bonheur au jeu rend affectueux ; si Pixérécourt eut continué à perdre, les débuts d’Halévy eussent peut-être été retardés de quelques années.

L’Artisan réussit ; les principaux rôles étaient confiés à M. Chollet et à madame Casimir. Deux morceaux furent bissés, et la partition se vendit le soir même à l’éditeur, Schlesinger. Le lendemain, les auteurs, rayonnants de gloire, vont remercier Pixérécourt, qui les reçoit à merveille. « C’est très-bien, leur dit-il, votre ouvrage me plaît beaucoup ; je le jouerai quatorze fois. » Et il le joua tout juste quatorze fois. Pourquoi quatorze fois ?

En 1828, Halévy fit représenter à l’Opéra-Comique le Dilettante d’Avignon, en un acte, le succès fut populaire, et Clari, en trois actes, à l’Opéra-Italien. Il écrivit aussi la musique d’un ballet de M. Scribe, Manon Lescaut.

Nous retrouverons, en 1832, à l’Opéra, Halévy, chef de chant. Ce fut sous ma direction qu’Halévy fit exécuter la grande et belle partition de la Juive, suivie bientôt à l’Opéra de Guido et Ginevra, de la Reine de Chypre, de Charles VI, du Juif errant, et à l’Opéra-Comique de l’Eclair, des Mousquetaires, du Val d’Andorre, de la Fée aux Roses, de la Dame de pique et du Nabab, dont la partition est riche de mélodies neuves, spirituelles et osées.