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gent peut-être trop aujourd’hui ces augustes exemples de toute intelligence et de toute vertu.

» Vers la fin de 1815, j’entrai chez Guérin pour étudier la peinture. Je ne sais s’il découvrit en moi quelques promesses de talent ; mais il ne m’a jamais encouragé. Lorsqu’on 1822, je fis mon premier tableau, le Dante et Virgile, je priai M. Guérin, par déférence, de venir chez moi pour me donner ses avis. Il ne m’adressa guère que des critiques ; je ne pus jamais tirer de lui son assentiment au désir que j’éprouvais de présenter à l’exposition mon premier tableau. Toutefois, M. Guérin, me rencontrant à l’Académie où j’allais étudier en élève, voulut bien me dire que ces Messieurs avaient remarqué mon œuvre à l’exposition ; c’était de messieurs les professeurs qu’il voulait parler. Le succès capital de ma carrière date de cette époque déjà lointaine, et je n’entends point par là celui que j’eus dans le public, je veux parler des éloges de Gros, qui furent vraiment extraordinaires, malgré mon obscurité, ou peut-être à cause d’elle. « C’est, me dit-il, du Rubens châtié. » Bien qu’élevé à l’école sévère de David, Gros adorait Rubens ; j’idolâtrais moi-même le talent de Gros, et, à l’heure où je vous parle, après tout ce que j’ai vu, Gros tient encore, je pense, une des plus belles places dans l’histoire de la peinture.

» Gros me demanda ce qu’il pouvait faire pour moi. « Que je puisse voir, lui répondis-je avec joie, vos grands tableaux de l’empire ! » Ces tableaux étaient dans l’ombre de son atelier ; ils ne pouvaient être exposés au grand jour, à cause de l’époque et des sujets. Je restai quatre heures dans son atelier, seul ou avec lui,