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L’école du dix-huitième siècle avait surtout fait de la couleur ; David, le révolutionnaire, fit du dessin ; il revint à l’anatomie ; on ne vit plus que du nu, et il alla chercher ses modèles, non dans Rome impériale trop drapée, mais dans Rome républicaine. La peinture de David était de la peinture officielle, c’est-à-dire sans contradicteur et sans critique. Gros, quoique élève de David, à force de talent et de fécondité, dans ses Pestiférés de Jaffa et dans sa Bataille d’Eylau ; Girodet dans son Endymion, purent seuls lutter contre la dictature du temps. Aux yeux de David, Gros et Girodet étaient plus que des suspects. L’Entrée de Henri IV à Paris, de Gérard, fut aussi une protestation modérée contre l’école de David ; ce tableau fit événement dans les premiers temps du règne de Louis XVIII ; on en loua surtout la composition et l’ordonnance.

Bientôt il se fit des coalitions et des émeutes contre le dessin et pour la couleur.

Gros excita l’admiration publique par sa grande page de la coupole de Sainte-Geneviève. Gérard vint rendre visite à ces peintures. « Que pensez-vous, lui dit Gros, de mon histoire en quatre livres ? — En quatre chants, » répliqua Gérard.

Gérard s’éloigna, et s’adressant à un de ses amis : « Malgré tous les éloges qu’on fait de ces peintures, lui dit-il, c’est plus Gros que nature. »

Dans les ateliers, dans les musées, dans les galeries particulières, on conspira contre David ; plusieurs journaux prirent les armes ; il se forma presque des sociétés secrètes qui, le verre à la main, jurèrent la perte de l’ennemi commun : Gros, Prudhon, Géricault, Eu-