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directoire, sous l’empire, sous la restauration, et, jusqu’aux derniers jours de sa vieillesse, elle trouva autour d’elle beaucoup de gens qui l’aimaient.

Les lettres et les arts ont aussi leurs émeutes et leurs révolutions ; mais, dans les arts et dans les lettres, les révolutions ne s’accomplissent point en un jour. On ne livra d’abord à la littérature de l’empire, à la littérature classique que des escarmouches ; on chercha à se rapprocher de la nature et de la vérité : ce fut un nouveau besoin de sonder plus profondément les secrètes douleurs du cœur humain. André Chénier et surtout Lamartine firent école.

Mais bientôt l’enfant sublime, Victor Hugo, avec un insatiable désir de bruit, de domination et de gloire, ne se contenta plus d’un second rôle. Par ses premières poésies, dont on admira l’élévation et la forme nouvelle, par ses relations d’amitié, il se trouvait rangé dans le camp des royalistes, et peut-être même des classiques, armées inoffensives qui recevaient tous les coups sans les rendre.

M. Victor Hugo comprit bien vite cette mauvaise situation. Il résolut d’en sortir, et ne voulut pas rester désarmé au milieu d’une société en guerre. Une de ses préfaces fut une proclamation. Il sut enflammer des groupes assez nombreux de jeunes enthousiastes, qui combattirent en son nom et pour sa propre gloire. Il fit passer le romantisme, jusque-là tout rêveur, à l’état militant ; il cria : Aux armes !

Dans les parterres de nos théâtres, les émeutes se succédèrent ; Victor Hugo se fit enfin le chef et le dictateur