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Champagne frappé. C’était bien le causeur le plus gai et le plus égayant ; il ne tarissait point en anecdotes politiques et littéraires, en idées fines et originales.

Ecrivain inexpérimenté, je portai quelques articles à M. Michaud. Il passait ses journées à la Quotidienne ; il aimait la Quotidienne ; il aimait l’esprit, il aimait les gens d’esprit. C’était un censeur politique, un juge littéraire d’un goût délicat et sur ; ses jugements sévères se trahissaient par du malaise et par des accidents nerveux. Lorsque, dans un article, on quittait la bonne route, il saisissait sa tabatière ; il y plongeait ses doigts convulsivement. Si l’on ne rentrait pas dans le bon chemin, si enfin l’article se brouillait avec l’esprit et le bon sens, une toux sèche prenait M. Michaud ; les accès se succédaient sans interruption, il fallait cesser de lire. L’article était jugé et refusé ; on se le tenait pour dit. M. Michaud cessait alors de tousser.

J’ai connu à la Quotidienne M. Audibert, qui a publié deux volumes de Mélange pleins de souvenirs curieux et d’intérêt, et Jean-Baptiste Soulié, qui mourut bibliothécaire de l’Arsenal. On l’avait surnommé le Saule pleureur ; il avait traduit en vers le Cimetière de Gray. C’était une élégie ambulante, c’était une contrefaçon de Charles Nodier, dont il était le séide et l’ami. Soulié ne manquait ni d’esprit ni d’instruction. J’ai connu aussi à la Quotidienne Mely-Janin, auteur d’un drame de Louis XI qui fit sensation au milieu de cette fièvre de nouveautés littéraires. Il était chargé du feuilleton de la Quotidienne.

M. de Marcellus venait souvent au journal. « Vous devez être content de nous, lui dit un jour M. Michaud,