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le plaisir et la joie de régner ; mais dès ce temps-là on avait la haute ambition de gouverner.

Dès les premiers jours de la restauration, la vraie situation était celle-ci : les Bourbons au fond du cœur se défiaient de la France, la France se défiait des Bourbons. Il faut ajouter qu’un parti vaincu mais non résigné, dépouillé mais toujours fidèle, soupçonné, surveillé, mais toujours entreprenant, le parti bonapartiste, inquiétait incessamment la famille royale, et donnait au parti de la cour, au parti de l’émigration et du pavillon Marsan des prétextes et des occasions de persécutions et de rigueurs.

Pour désunir, pour lasser et pour disséminer le parti bonapartiste, pour s’emparer de la confiance du pays, pour tempérer ce parti si ardent de l’émigration, pour éteindre tous les souvenirs menaçants, ceux de la révolution et ceux de la gloire, il fallait du temps, une politique ferme, mais libérale et modérée, et de continuels ménagements ; on ne refait point en un jour les croyances, les idées, la philosophie et les mœurs d’un siècle et d’une nation. C’est ce que finit par comprendre le roi Louis XVIII ; aussi fut-il le seul roi de France qui, depuis le mouvement des idées nouvelles, mourut sur le trône.

S. M. l’empereur Napoléon III, dans des fragments historiques, dit avec une haute sagesse :

« L’appui étranger est toujours impuissant à sauver les gouvernements que la nation n’adopte pas. »

Puis il ajoute :