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Monté sur une borne, près la porte Saint-Martin, j’ai vu l’entrée du cortège royal, et je crois avoir remarqué que ces compagnies de la garde impériale ne portaient même aucune cocarde.

Pendant plusieurs jours, Paris fut en délire ; sous les fenêtres du château des Tuileries s’improvisaient tous les soirs des chants et des danses. Les parterres de fleurs, alors situés sous les fenêtres du château, étaient envahis ; les grilles étaient renversées. Dans tous les théâtres on demandait à l’orchestre les airs de Vire Henri IV et de Charmante Gabrielle. Chaque révolution, depuis le commencement du siècle, s’accomplit, pour ainsi dire, sur un air plus ou moins ancien et plus ou moins connu, que le gouvernement plus ou moins nouveau remet à la mode.

Le roi et les princes se montraient partout, et partout ils étaient bien accueillis. Toute la famille royale voulut assister en cérémonie à une représentation de chacun de nos grands théâtres.

La première représentation royale, donnée à la Comédie-Française, fut la plus remarquable et la plus curieuse ; elle n’eut lieu que le 16 novembre 1814. J’ai assisté à cette représentation.

Bien avant l’ouverture des bureaux, la rue Richelieu et tous les abords du théâtre étaient encombrés par une foule immense ; l’affluence fut telle à l’entrée du péristyle, que le service du contrôle se trouva un moment en désarroi, et qu’un certain nombre de personnes parvinrent à pénétrer dans la salle sans billets. Les places de parterre se vendaient jusqu’à cent vingt francs.

Le comte Orloff et le duc de La Vauguyon, n’ayant pu