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l’attention de toute la foule et de l’état-major de l’empereur, et, malgré son assurance de comédienne, elle resta interdite. J’ai recueilli cette anecdote de la bouche même de mademoiselle Mars.

Elle se montra fidèle au culte et à la mémoire de l’empereur. La première fois que joua mademoiselle Mars, après le retour de l’empereur, pendant les cent-jours, elle portait comme signe de joie des bouquets de violettes : elle portait des violettes à sa ceinture, elle eu portait comme garniture de robe, elle en portait dans sa coiffure. Cette profession de foi politique en bouquets valut à mademoiselle Mars d’assez tristes représailles. La première fois qu’elle reparut sur la scène, après le retour de Louis XVIII, elle eut à subir de cruels outrages. Mademoiselle Mars jouait avec Fleury le rôle d’Elmire du Tartufe, dès que commença la grande scène du troisième acte, des vociférations se firent entendre, elles partaient du parterre et dû l’orchestre : « Criez vive le roi ! criez vive le roi ! » Fleury crut que c’était à lui qu’on en voulait, et il s’avança près de la rampe : « Messieurs, dit-il, j’ai été incarcéré pendant la terreur, et mes opinions... » On ne le laissa point continuer : « Ce n’est pas à vous, c’est à cette s..., à cette g... de Mars, il faut qu’elle crie vive le roi ! » Mademoiselle Mars, dont la physionomie pendant cet orage resta calme et dédaigneuse, profita d’un moment de silence et usa de ruse pour se tirer d’affaire, sans cependant céder à ces cris injurieux : « Mais, messieurs, dit-elle, j’ai crié vive le roi ! » Tout fut dit, et la pièce continua. Mademoiselle Mars, dans le reste de son rôle, obtint d’unanimes applaudissements. Le public, dans