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ment d’une assemblée délibérante ; un officier de fortune recevant la toute-puissance des mains de la victoire, et se faisant par son épée le maître de la France et le maître du monde ; enfin, toute l’Europe en armes et tous les rois coalisés, forcés de s’y prendre à deux fois pour briser la couronne de cet empereur qui les avait tous fait trembler sur leur trône, et pour exiler à Sainte-Hélène cette grande âme et ce grand génie.

Ces trois drames si émouvants firent certainement germer dans tous les esprits et dans tous les cœurs, plus que Voltaire et Rousseau, l’esprit de révolte contre la société, des idées d’immoralité, de scepticisme, toutes les plus folles et les plus dangereuses ambitions ; la société put se dire : Tout est possible.

On avait longtemps respecté en France les chênes séculaires ; mais les vents déchaînés et les orages ont brisé leurs plus forts rameaux, ont arraché du sein de la terre leurs plus profondes racines ; et alors, nous avons avec confiance planté de jeunes tiges que de nos mains nous avons encore déracinées. Ne troublons plus la séve nourrissante de ces arbres aux ombrages protecteurs ; n’allons plus, en curieux et pour les faire croître plus vite, tourmenter leur féconde végétation ; laissons faire le temps, cette puissance divine qui détruit tant de choses, mais qui aussi consolide et fortifie tout ce qu’elle ne détruit pas.

Ne soyons aujourd’hui, à distance des hommes et des événements de ces temps-là, ni commentateur trop sévère, ni juge inexorable. Notre société, lasse et défail-