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gédienne, était sa compatriote : elle était née à Valenciennes.

M. Paulée fit longtemps, et ses héritiers font peut-être encore d’assez grosses pensions à plusieurs des commis qui eurent entre les mains tous les secrets des grandes affaires.

Le luxe des fournisseurs de l’armée succéda à la magnificence des fermiers généraux, et la dépassa. La résidence de M. Paulée, à Douai, passait pour une des curiosités de la ville ; c’était presque un palais, bâti sur les terrains d’un ancien couvent. Cicéri y avait été appelé pour en diriger la décoration et pour y reproduire toutes les pittoresques surprises dont son pinceau enrichissait l’Opéra. On faisait souvent de la musique chez M. Paulée, et Cicéri y était reçu comme ami, comme peintre et comme musicien.

M. Paulée venait souvent à Paris, mais seul et sans sa famille ; il s’établissait dans une de ses maisons richement meublées, qu’il possédait sous son nom, rue de Provence, presque au coin de la rue de la Chaussée d’Antin. Il y donnait chaque semaine plusieurs dîners ; je fus quelquefois un de ses convives ; il recevait mademoiselle Duchesnois, mademoiselle Mars, mademoiselle Leverd, mademoiselle Bourgoin et surtout mademoiselle Volnais, des médecins, des hommes de lettres, des généraux, et tous ceux qu’on lui présentait. On y faisait bonne chère, bien qu’on dût subir toutes les manies, toutes les excentricités de son service de table, qu’il dirigeait lui-même. M. Paulée était alors d’un assez grand âge ; il ne manquait ni d’esprit, ni d’obligeance ; il était presque aphone, et lorsqu’il voulait parler, il fallait que