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toutes les passions les plus honteuses d’une civilisation avancée, où le jeu et l’amour à tous prix avaient pignon sur rue, et des chiffres effrontés pour enseignes ; c’était le 129, le 154, le 113 et le numéro 9. Le gouvernement autorisait, protégeait les provocations, les défis publics de ces établissements de jeux contre la menue monnaie de l’ouvrier, aussi bien que contre la pièce d’or et le billet de banque du riche étranger, du jeune homme de famille, du commerçant et du banquier.

Du côté de la rue Vivienne, on descendait dans le Palais-Royal par un perron étroit, où se criait toute espèce de choses : le cours de la Bourse, le tirage des loteries de Paris, de Lyon et de Strasbourg, les bulletins de la grande armée.

Du côté de la rue Saint-Honoré, on arrivait vite dans ces galeries de bois si célèbres et improvisées, depuis 93, sur le vaste terrain qui servait aux écuries, par un passage étroit, mais très-éclairé, où commençait et florissait déjà, dans un trou de boutique, la dynastie des Chevet.

Dans ces galeries, ouvertes à tout vent et presque sans clôture, du Palais-Royal dévasté des princes d’Orléans, étaient installés quelques libraires, dont tout l’étalage littéraire se composait de l’Almanach des Muses, du Chansonnier grivois, des chansons du Caveau, des pots-pourris de Désaugiers, du Tableau de l’amour conjugal et de l’Adresse des plus jolies femmes de Paris. Le reste de ces boutiques ne comptait pour locataires que