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L’homme riche a plus à s’observer, et se trouve, sous le rapport de l’hygiène, dans de moins bonnes conditions que l’ouvrier. Ce n’est point un paradoxe : comparez de jeunes ouvriers à cette génération de jeunes riches qui jouissent aujourd’hui de fortunes amassées sous l’empire, sous la restauration et sous la monarchie de Juillet.

Le jeune ouvrier qui ne s’adonne point à l’ivrognerie représente la force, la souplesse élégante, la facile liberté de mouvements et d’allures ; sa chevelure est abondante ; sa tête est bien attachée sur ses épaules. Le développement de ses membres lui vient surtout du volume que prennent les muscles. Ses dents, ce premier appareil digestif, sont saines, épaisses, profondément enracinées, et sont même pour l’ouvrier une arme dangereuse et puissante. Sa poitrine est large ; ses muscles pectoraux, saillants ; les parois du ventre ne sont point épaissies par du tissu cellulaire, ni distendues par des épiploons surchargés de graisse ; la colonne vertébrale jouit d’une grande flexibilité, et les muscles nombreux qui s’y insèrent sont volumineux et d’une grande puissance.

Combien de jeunes riches ressemblent peu à ces athlètes du travail ! L’oisiveté, l’ennui qu’elle cause, des excès de tous genres, excepté ceux de l’étude, des nuits passées à table ou au jeu, les jettent dans l’amaigrissement, leur donnent une physionomie de vieillard, que complète la calvitie.

Il faut cependant reconnaître que nos institutions sauvent en général les jeunes gens nés seulement dans une certaine aisance des dangers d’une vie oisive,