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VÉNUS EN RUT

L’adolescent était d’une figure heureuse, il avait de l’esprit sans culture, de la douceur, de la naïveté, des forces singulières ; son cœur était neuf comme ses sens ; il était courageux, son âme s’élevait au récit d’une action héroïque, il ne craignait point les hommes, il tremblait devant une femme. Un ami commun me le présenta ; sa timidité me gênait ; mais, réfléchissant qu’il fallait l’en défaire, je n’épargnai rien pour la lui faire abjurer.

— Chevalier, lui dis-je, voulez-vous que je sois votre amie ?

— Assurément, madame, j’en serais comblé.

— Voilà un compliment flatteur, mais il sent la province ; dites-moi uniment : « Avec plaisir ; » le plaisir est le grand moteur de l’univers ; venez à l’Opéra ce soir avec moi, nous reviendrons ensemble et puis, selon que vous aurez confiance en moi, le sort arrangera le reste.

En disant ces mots, je lui tenais les mains ; nous étions debout et si près l’un de l’autre, que je sentais sa respiration devenue rapide et de feu ; j’ajoutais des regards qui portaient l’incendie dans tout son être ; j’en eusse triomphé si je n’avais cru nécessaire de lui ménager des gradations. L’heure du spectacle arrivée, je le fis monter dans ma voiture, nous parûmes dans la même loge. Une foule de petits-maîtres me demandaient, tout bas, quel est ce chevalier que