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VÉNUS EN RUT

Passons à la Haye, car tu n’aimes que mes fredaines ; il faut pourtant te dire que cette ville est charmante, par sa propreté, son étendue, ses promenades intérieures, et celles du dehors ; que j’y trouvai la cour du stathouder, la résidence des ambassadeurs, l’assemblée des états-généraux, un spectacle français ; car si César a remarqué qu’il n’y a point d’armée où on ne trouve de soldats gaulois, il n’y a pas une puissance d’Europe qui n’ait des histrions français. La Haye est un séjour délicieux l’été ; les maisons de campagne qui bordent les canaux qui y conduisent sont enchanteresses ; on y voit les plus belles fleurs : celle de mon amant, nommée Tulipenburg, avait un parterre digne des jardins de la fée Aline.

Je jouissais des délices de la vie ; j’avais un homme honnête, quelques hommes galants en cachette, des ducats, de la vaisselle, des diamants ; je me croyais au port, lorsque la faux tranchante de la Camarde vint couper le fil qui retenait mon cher Bloomdael à la vie ; il ne m’oublia pas avant de la quitter ; ses largesses furent au delà de mon espérance, et je le pleurai sincèrement : nous autres coquines, nous ne connaissons ce que valent nos bienfaiteurs qu’après les avoir perdus. Mais, je sens brunir mes crayons ; reprenons le carmin ; adieu, Folleville, adieu ; je retourne à Paris me jeter