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VÉNUS EN RUT


hommes et une figure qui promettait d’être plus que passable. Je donnerai mon portrait dans un instant ; je parlerai comme mon miroir : si je n’étais pas sincère, je serais bientôt démentie, et si on doute de ma véracité, mes mémoires manquent leur effet, car on y trouvera des faits et des calculs que des sceptiques rejetteront.

J’étais affligée de quatorze ans, qui en valaient seize. Née sur les bords du Rhin, transportée avec ma nourrice dans une province méridionale de France, je réunissais en moi la force des habitants du Nord, et la flamme de ceux du Midi. Élevée dans un village, tout avait contribué à augmenter l’énergie dont la nature libérale m’avait douée : et je me trouvais fatiguée d’une surabondance de vie, lorsque je connus un jeune habitant du bourg, qui parut me distinguer de mes compagnes. Me prévint-il ? Mes yeux et ma voix l’engagèrent-ils ? Je ne m’en souviens pas ; d’ailleurs j’ai plus d’une fois fait des avances ; c’est la meilleure façon d’être promptement entendue : la nature n’est pas cérémonieuse.

J’aurais pu, mieux qu’une autre, faire ce que la bourgeoisie appelle des façons : je valais la peine d’être désirée.

J’étais dans l’âge le plus florissant, ma taille était déjà élevée, ma gorge assez formée pour être bien, j’avais un embonpoint qui annonçait la plus constante santé ; mon buste était arrondi