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VÉNUS EN RUT


noblesse ; nous allâmes respirer à une vigne charmante, et le soir je revins souper chez moi où l’abbé devait amener un cardinal, non pas in fiochi, mais dans le plus grand incognito. Son Éminence, depuis six lustres, avait passé l’âge des amours ; il n’était plus bon que pour le conseil ; il aurait dû se donner celui de garder son or, au lieu de le distribuer à des courtisanes, qui s’en moquaient ; j’ai tort, il s’amusait, et se moquait, sans doute, de ce que des drôlesses peuvent dire. Le cardinal Vechiopalazzo me trouva jolie, et comme il n’avait plus que des doigts, il fallut copier, pour le distraire, les postures de l’Arétin et de Clinchetel. Couchée sur mon lit, couvert de satin noir, le conclaviste me prenait pour un forte-piano, et promenait ses mains sur mon joli clavier, sans trouver la note sensible, encore moins produire un accord parfait. Cependant il avait déterminé de me le mettre, parce qu’ayant été, jadis, à Paris, il savait que les Françaises ne trouvent pas plaisant d’être ratées. Ses sens obéissaient mal à ses volontés, non seulement je les suivais, mais je les prévenais ; il était enchanté de ma complaisance ; et, croyant la doubler, il me donna une bourse d’or : je la refusai, et lui dis :

— Je ne prends rien d’avance, et même après les plaisirs que j’ai donnés, je ne reçois que pour ne pas désobliger ; Votre Éminence est