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VÉNUS EN RUT


prostituent, pour se prostituer, et qui ne recueillent de leur abandon que le mépris de ceux qui les prennent et les quittent ; les femmes galantes savent très bien, sous différents prétextes, sucer leurs amants, mieux que le plus adroit vampire.

J’étais bien appointée, je crus pouvoir m’amuser, et me proposant cette difficulté, elle fut bientôt résolue à mon gré. Si les hommes prennent des comédiennes, moi qui ne suis rien, et n’ai d’autre éclat que celui que j’emprunte de mon amant, je puis prendre des comédiens ; la conséquence dérive du principe. J’en envoyai donc chercher un, de qui la figure me plut : il jouait des rôles sérieux, je trouvai bouffon d’en faire un caprice : après lui, je fis signe à un chanteur, de mince encolure ; n’importe, il avait coûté cher à une luxurieuse, c’était un pas vers la célébrité ; je termine cette invasion comique, comme elle devait l’être, par la dépravation du goût, en prenant, afin de parcourir les extrêmes, un Colin, le plus vilain merle de la création ; tu vois que je me mets à l’amende, et que je te dis tout.

Les rois, les bergers firent crier contre moi de prétendus philosophes, qui ne veulent pas voir que, dans l’état de nature, les hommes sont égaux ; assurément c’est l’état d’une courtisane ; on a beau la décorer de titres quelconques, le bout de l’oreille paraîtra toujours.