Page:Véga - Les présences invisibles, 1932.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
les présences invisibles

Sainte Thérèse raconte que pendant son séjour chez doua Luisa de la Cerda où ses supérieurs l’avaient envoyée pour consoler de son veuvage cette grande dame solitaire parmi un peuple de vassaux, elle se trouva fort souffrante d’une crise de cœur. Dona Luisa pleine de charité, dit gentiment la sainte, n’imagina rien de mieux pour distraire la malade que lui montrer ses joyaux illustres et somptueux. Sainte Thérèse fut amusée en effet, mais non comme le pensait sa noble hôtesse ; elle eut envie de rire et en même temps de s’apitoyer devant l’importance que les hommes aveugles attachent à de telles pauvretés.

La scène ne manque pas de saveur ; elle se passait à Tolède, dans le splendide palais des ducs de Medinaceli à la famille desquels appartenait Dona Luisa, veuve du plus riche seigneur de toute la Castille. La salle, de proportions grandioses, est d’architecture grecque et domine un vaste horizon ; sous les fenêtres, au pied de la ville élevée s’étendent les fauves plaines arrosées par le Tage. Le soleil, qui glisse entre les épais rideaux brodés d’or et d’argent, arrache des éclairs aux gemmes royales, escarboucles dignes des Mille et une nuits, émeraudes et saphirs plus richement