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les présences invisibles

de souffrir moins ; d’autres affections surgissent ou se développent, remplaçant les anciennes. Les morts sont bien morts et dépossédés. C’est l’histoire de Ginevra traînant au clair de lune son long linceul dans les rues étroites de Florence et faisant devant elle fuir les vivants épouvantés, y frappant en vain à la maison de ses parents, de son mari qui barricadenL portes et fenêtres à l’aspect de ce fantôme dont la place n’est plus à leur foyer.

Mais nous ne nous adressons pas ici aux cœurs oublieux et trop vite consolés ; c’est aux autres que nous disons : « N’accusez pas votre mémoire ; elle est plus fidèle que vous ne pensez ; et soudain le hasard d’une rencontre ou d’une lettre, d’un objet retrouvés, d’un endroit reconnu, d’un parfum, d’un rêve vous rendra plus nettes, plus distinctes que jamais, la figure bien-aimée, la voix pleurée.

Surtout ne vous imaginez pas être oubliés vous-mêmes. Il dépend de vous dans la plupart des cas, me semble-t-il, que la séparation complète n’ait jamais lieu.

Nous croyons que la mort est le début ou la suite d’une ascension qui peut avoir déjà com-