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disant : Allons, prends-le, ton gars…, Misère de misère !

Berquinade champêtre, dira-t-on en souriant ; mais ces patients révoltés sont idéalement heureux et, longtemps après les épousailles, on les peut voir toujours à deux dans les travaux agrestes, tirant le rouleau ou la herse, penchés l’un sur l’autre à l’heure des siestes. Souvent même le soir, au soleil couchant, dans l’accalmie de la nature, en un moment de répit, quand on n’entend plus monter dans la campagne que le chant affaibli des pâtres, qu’on ne perçoit dans l’air que le sifflement d’ailes des hirondelles hâtives qui rentrent au nid, ils tombent encore affamés d’amour aux bras l’un de l’autre, dans une étreinte de passion farouche, vibrants de désir et de bonheur, les lèvres sur les lèvres. Leurs silhouettes n’en font qu’une, tandis que debout, enlacés, palpitants, ils apparaissent sur le fond incendié du couchant comme l’expression d’une superbe communion de l’humaine créature devant l’Eternel.

De telles amours durent souvent jusqu’aux limites extrêmes de la vieillesse. La simplicité rustique les conserve et les fait indestructibles. Ainsi vis-je en pays vendômois, sur le seuil d’une des jolies grottes de Trooz, creusées dans le calcaire, une paysanne chenue et voûtée, berçant sur ses genoux un petit vieillard sec et ridé dont les yeux brillaient de reconnaissance. Elle lui offrait du lait,