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l’œil perdu dans le vide, un vieux Deo Laus de laboureurs à l’aube que l’écho répercute.

V’lai l’soulei qui s’ieuve biau,
I fait ramaiger le oisiau.
Tretçus ditoint en leu langaige :
S’iV breûilloit, hâ ! queû dommaige !
Quand j’monte su’ces coûtas,
Je m’sens pus léger à tous pas.
La floriote av’tou la verdure
Flatont mes yeux et ma flairure.


Ainsi se bercent ces amoureux dans l’ivresse de leurs rendez-vous.

Un soir, Jeannette, lassée, surmenée de désirs et d’attente, demande, presque suppliante, à Pierre de ne pas verser son blé à la porte du moulin… A ses yeux, c’est là un acte héroïque, un courage qui lui est venu de la lassitude des vaines attentes, un suprême moyen pour vaincre l’entêtement des siens par son déshonneur affiché. Ainsi forcera-t-on le consentement des parents, et si le père la chasse, tous deux iront vivre en service dans un pays voisin ou bien à la ville. Lui se fera toucheur, maquignon, ou se louera à la saison des foires, tandis qu’elle ira en journée dans les fermes, comme ouvrière pour les lessives ou les ravaudages. La jeune mère laissera orgueilleusement deviner son état ; le meunier jurera, fera les cent mille coups, menacera, puis, peu à peu radouci, pardonnera enfin,