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derrière les buissons se conter leurs peines et nourrir leurs espoirs. Leur amour s’échauffe, se surexcite, grandit ; Jeannette refuse tous les prétendus, essuie les farouches colères du père, les supplications de la mère, tandis que les années passent en attisant leur flamme par l’attente. Toutes les ruses, ils les emploient pour se voir et sentir leurs cœurs battre à l’unisson, jour ou nuit selon les occasions. Le soleil leur est doux ; ils aiment à sentir neiger les aubépines sur leurs têtes et à baiser les corolles roses des églantines ; derrière les meules de foin ou dans les blés jaunissants, parmi les coquelicots et les bluets, ils se dérobent des baisers. Partout l’amour les porte et les fait radieux. Ils chantent en se tenant la taille, des rondes naïves :

Je voudrais bien m’y marier,
Mais j’ai trop peur de m’y tromper.
J’en veux rester fillette,
La verdurette, durette ;
J’en veux rester fillette,
La verdurette du bois.

Lui, de sa forte voix de vacher, qui s’est développée dans le grand air des pâturages, ne sait rien d’aussi gracieux ; il ne connaît que de plaintives mélopées bourguignonnes, des ranz des vaches, à refrains du Tyrol, et tandis qu’ils rentrent tristement, épaule contre épaule, il attaque en lourant,