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La salle se peuple lentement. Un à un, timidement, traînant la jambe comme s’ils portaient une charge, les bras ballants, gênés, gauches et malheureux d’apparence, les blouzards rougeauds arrivent ; leurs souliers ferrés font sonner creux les larges lames d’un parquet primitif ; les filles et les femmes retardent un peu. Elles apparaissent cependant avec cette allure craintive, empesée, presque ridicule de la paysanne en toilette qui semble ne savoir où dissi- muler ses mains rouges marbrées d’engelures. Les robes de mauvais goût, aux plis disgracieux, les lourdes bottines, les cravates aux tons criards et crus, les cheveux plaqués aux tempes, enlaidissent ces superbes filles, si sculpturalement campées au travail dans le grand décor des champs aux jours de semaine. Ici parées comme des châsses, elles mon- trent la déformation de leur corps ratatiné et engoncé dans, de pauvres jupes ou des corsages mal taillés qui aplatissent leur gorge. — Orchestre et toilettes, dans ces bals contribuent à faire hurler l’harmonie. En place pour le quadrille ! — Les couples se rendissent et se donnent des mains de bois articu- lées ; à peine si l’on se chuchote quelques mots ; le plaisir est muet, cérémonieux, attristant pour qui regarde ; cela a quelque chose d’une noce de domes- tiques. Est-il rien de plus navrant ? —Le piston et le violon, qui font mauvais ménage, lancent leurs notes au loin dans la nuit profonde, et danseurs et dan-