Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/270

Cette page n’a pas encore été corrigée

ses compagnons de route, les fatiguant par des courses à travers champs, grimpant aux arbres, en jouant à chat perché et pirouettant souvent gaiement, cul par-dessus tête, sans songer à baisser sa cotte ; très savante d’ailleurs en mots expressifs, en gestes libres, parfois même très froidement vicieuse avec la naïve ignorance de son vice.

De retour sous le chaume, ses cahiers mis en place, ses parents la dépêchent aussitôt au bétail épars dans les pâturages pour les ramener à l’étable. Une longue baguette en main, la fillette court essoufflée dans la prairie, avec une allure homasse, cinglant ferme les bestiaux au jarret, sautant derrière les génisses bondissantes, appelant le chien diligent qui, la langue tendue, guette ses ordres, prêt à se lancer sur les bêtes écartées ; criant d’une voix âpre et forte : — « Tiens, tiens, Noiraud, ramène-la !…. va, mords-la, la garce ; …. vite ramène, mords-la…. Ici…, ici ! » — et, tandis que le brave molosse jappe, se précipite et donne de la gueule, elle vole à la rescousse et tape dur sur les échines des normandes ou des charolaises, qui secouent la tête et vont de l’avant. Elle franchit enfin les bouchures, marchant à l’arrière de ses bêtes dont la sonnaille scande le pas lourd et les abroutissements le long du chemin, et elle s’en revient à l’heure mélancolique de l’angélus, dans le crépuscule tombant, ébouriffée, le visage rouge, perlé de sueur, déchirant de ses dents su-