contre le talus d’un fossé, au-dessus d’une botte de paille, la petiote abandonnée glapit de vagues et plaintifs mugissements.
Elle pousse gaillarde et drue cependant, bien que gauche, timide et farouche. Peu à peu, vers la douzième année, elle se déchrysalide, s’élance droite et déjà s’arrondit un brin dans son corsage d’indienne ; des cheveux de chanvre flottent sur son cou bruni ; ses yeux, enfoncés sous un front proéminent, semblent moins épeurés, moins effarés, moins boudeurs ; ils osent luire maintenant, s’avancer au premier plan en éclairant de leurs feux l’arcade sourcilière. Son instinct s’éveille très vite, trop vite peut-être, car elle devient un embarras à la maison. On lui met alors un panier sous le bras, on la munit de tartines beurrées, de noisettes, de cahiers de classe, et l’on envoie le petit chaperon rougè se dégourdir à l’école du bourg le plus proche, en compagnie de jeunes loups qui la croqueront un jour.
Aussitôt, cette chafouine morveuse, si craintive la veille, devient garçonnière, turbulente, espiègle et perverse comme un diable. Elle s’affole dans les rondes de village, parmi les ritournelles chantées, dans la griserie tournoyante des enchaînements de gamins. Pimpante et plus coquette avec les moutards, elle s’échappe le soir avec grand bruit de l’école au milieu d’une nuée de marmaille déchaînée et prend plaisir au retour à taquiner et à bousculer