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jours, vers la nuitée, sous les galeries infâmes… Cet ange, dont j’aurais redouté de baiser les lèvres, qu’à peine j’osais étreindre sur mon corps affamé d’elle ; cette candide ingénue est une… Ah ! René, mon cœur se l>rise !

« J’aurai le courage de tout t’écrire, néanmoins, en dépit de l’anéantissement profond où je me vois plongé et des souffrances qui me ravagent ; la douleur sans larmes saigne abondamment en dedans et j’ai les yeux arides et brûlants. J’étouffe et je veux auprès de toi, cher ami, épancher ma peine inoubliable, te dire l’effroyable aventure qui fait de moi un insoumis de la vie, un révolté contre Dieu.

« J’erraig le soir, — le soir funeste dont je veux parler, — sous la colonnade du Palais-Royal, au sortir d’un dîner chez M. de B***, pair de France. Je songeais tristement à mes amours défuntes, à celle en qui j’avais mis tant d’heureux espoirs, tant d’avenir, tant de maternité bienfaisante et je repoussais le moins brutalement qu’il m’était possible les pauvres bataillons volants de la prostitution qui m’assiégeaient, me cernaieut de toutes parts. Le vice — disais-je, au contact de ces malheureuses — a peut-être plus de martyrs que la vertu, c’est à l’homme d’être indulgent et généreux pour les misères que son vil égoïsme a créées, et je me sentais attendri par tous ces forçats de la honte, ces vendeuses d’amour, peut-être affamées et sans gîte.