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La trompette du conducteur annonça le départ, chacun reprit son poste de la veille à cette différence que Florval changea traîtreusement la place qu’il avait prise le jour d’avant pour occuper le milieu du coupé, désirant, disait-il, laisser un coin à ses deux voisines. — La diligence se remit en marche ; on admira la nature à son réveil, la beauté des horizons brumeux, l’éclat de la verdure mouillée et la poésie incomparable du matin, de cette jeunesse de la journée où tout est plus frais, plus vivant, plus harmonieux et moins brutal que sous la crudité du midi. La grand’mère était songeuse et taciturne, son œil indulgent qui brillait parfois à travers ses lunettes semblait dire : « Enfants, causez, n’ayez crainte, laissez vos cœurs palpiter vers l’infini, admirez, jouissez de la vie, ayez des ailes, c’est de votre âge et si le clestin veut que vous vous aimiez, que le ciel soit loué et que Dieu vous bénisse ! »

« — Regardez, mademoiselle, ces lapins à l’orée du bois, disait presque tendrement le jeune homme ; voyez-les venir, jouer, inspecter les champs, craintifs et gracieux et faire joliment leur toilette avec leurs petites pattes levées ; les charmants joujoux !… n’est-ce pas ?—Eux aussi viennent rendre hommage au soleil et saluer l’Orient comme des mahométans. Un chasseur viendra et ne fera pas grâce à leur gentillesse ; il ne verra rien de ce qui séduit l’amant de la nature, une vaine gloriole lui donnera l’aveuglement