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veulerie générale où Mmes Krudner, de Duras, de Souza et Pauline de Meulan virent triompher leur prose mélancolique et indécise.

« Je ne veux rien voir fleurir autour de moi, — écrit Benjamin Constant dans Adolphe, ce chef-d’œuvre crépusculaire, — je veux que tout ce qui m’environne soit triste, languissant et fané. » On peut regarder ces paroles comme une profession de foi très nette de tous les Jérémies de la métaphysique romancière. Au milieu de cette épidémie régnante, l’espoir est éteint, l’illusion morte, l’enthousiasme même est tari à sa sources l’amour n’est plus qu’impotent ; s’il manifeste encore des désirs, il n’a plus de force pour l’action. Le chevaleresque tombe dans le brigandage ; dans les nouvelles dramatiques, plus d’enlèvements galants, mais des rapts à main armée, des séquestrations dans des grottes enfumées, des viols ridicules et infâmes dignes de réjouir l’ombre satanique de l’auteur de Justine.

La femme de ce temps singulier ne résiste pas à cette chlorose intellectuelle ; elle devient ce type antifrançais de la Femme la plus malheureuse du monde que les physiologistes nous ont peinte dans son attitude de fleur brisée. La muse de la rêverie la hante, les inquiétudes stériles la ravagent ; elle se sent possédée par un mal incompris dont elle souhaite de mourir ; des soupirs sans origine gonflent éternellement sa chaste poitrine, ses beaux yeux sont