Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/213

Cette page n’a pas encore été corrigée

c’est une réunion brillante ; il y règne un certain silence ; les conversations s’y font à demi-voix ; chaque groupe s’isole au milieu même de la société et les passions, qui partout ailleurs ont leur physio- nomie et leur langage, semblent y avoir déposé tout ce qu’elles ont de dur et de personnel ; mais, si l’on ne parle pas, chacun se devine, se tâte, pour ainsi dire ; on peut lire dans les yeux ce qu’on n’en- tend pas dire et les regards expriment tout ce qu’on ne dit pas ; la haine y est réellement affectueuse et les thés pourraient nous ramener à la politesse fran- çaise.

Ces thés étaient encore une des expressions de Y Anglomanie courante, singulière importation de mœurs qui apparaît périodiquement en France sans pouvoir s’y acclimater. A défaut des thés, on prenait des glaces chez Garchy ou chez Velloni, on courait à cheval au Champ de Mars dans des cos- tumes extravagants, on se promenait aux Champs- Elysées, où les femmes, binocles à l’œil/ lorgnaient les cavaliers, provocantes par leur approbation, leurs sourires et parfois leurs paroles vis-à-vis d’un Adonis.

Écoutez les moralistes crier : « Toutes les con- venances violées, toutes les décences bannies, toutes les fortunes déplacées, tous les liens sociaux rompus, tous les ordres confusionnés, ce monde qui est une cohue a mis sa vie à jouir. » — En vérité,