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vouloir, par crainte de ne pouvoir s’ébattre, patienter jusqu’au lendemain.

Vingt-trois théâtres et huit cents bals ouverts chaque soir. Tel fut en peu de temps le bilan des plaisirs de Paris. Terpsichore était devenue la grande muse du jour ; on dansait sur le volcan éteint, sur les tombes à peine fermées ; c’était une transformation féerique. Il y eut même les fameux bals à la victime, une danse des vivants qui ressemblait furieusement à la sombre ballade macabre des fresques de Holbein, une danse d’éplorées qui demandaient à la valse une griserie passagère et qui montraient de beaux yeux las de pleurer, pleins d’espérances et d’amour inconnu. Fils et filles de guillotinés menaient la pastourelle en habit sombre, les femmes voilées de deuil, les hommes ornés d’un crêpe. On eût dit d’un cauchemar extravagant.

« Après l’argent, écrivait le citoyen Mercier dans l’Almanach des gens de bien, en 1798, la danse est aujourd’hui ce que le Parisien aime, chérit, ou plutôt ce qu’il idolâtre. Chaque classe a sa société dansante, et du petit au grand, c’est-à-dire du riche au pauvre, tout danse. On danse aux Carmes, où l’on égorgeait ; on danse aux Jésuites, au séminaire Saint-Sulpice, aux Filles-Sainte-Marie, dans trois ou quatre églises, chez Ruggieri, chez Mauduit, chez Ventzel, à l’hôtel du salon des ci-devant princes ; on danse partout. Toutes les femmes sont en blanc, et