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Scudéry, une femme qui ayant veu Sapho dans le commencement de sa vie, se mit en fantaisie de l’imiter : et elle creut l’avoir si bien imitée, que, changeant de maison, elle prétendit eslre la Sapho de son quartier. Je ne crois pas qu’il y ait jamais rien eu de si opposé que ces deux personnes. Encore que Sapho sçache tout ce qu’on peut sçavoir, elle ne fait point la sçavante, et sa conversation est natu- relle, galante et commode. Mais pour celle de cette Dame qui s’appelle Damophile, il n’en est pas de mesme… elle fit tout ce que l’autre ne faisoit pas. Premièrement elle avoit toujours cinq ou six mais- très, dont le moins sçavant lui enseignoit, je pense, l’astrologie ; elle escrivoit continuellement à des hommes qui faisoient profession de science ; elle ne pouvoit se résoudre à parler à des gens qui ne sceus- sent rien ; on voyoit toujours sur sa table quinze ou vingt livres dont elle tenoit toujours quelqu’un quand on arrivoit dans sa chambre et qu’elle y estoit seule : et je suis asseuré qu’on pouvoit dire sans mensonge qu’on vçyoit plus de livres dans son cabi- net qu’elle n’en avoit leu et qu’on en voyoit bien moins chez Sapho qu’elle n’en lisoit. De plus, Damophile ne disoit que des grands mots, qu’elle prononçoit d’un ton grave et impérieux, quoiqu’elle ne dist que des petites choses ; et Sapho au contraire ne se servoit que de paroles ordinaires pour en dire d’admirables. Au reste, Damophile ne croyant