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aisée, si galante, qu’on ne luy entend jamais dire, en une conversation générale, que des choses qu’on peut croire qu’une personne de grand esprit pourroit dire sans avoir appris tout ce qu’elle sçait… Elle songe tellement à rester dans la bienséance de son sexe, qu’elle ne parle presque jamais que de ce que les dames doivent parler : et il faut estre de ses amis très particuliers pour qu’elle advoue seulement qu’elle ait appris quelque chose… Elle parle si éga- lement bien des choses sérieuses et des choses ga- lantes et enjouées qu’on ne peut comprendre qu’une mesme personne puisse avoir des talents si oppo- sés. »

Et plus loin, l’amie de Pellisson adjoute comme dernier traict à son modesle :

« Les plus grands hommes du monde deman- doient de ses vers avec empressement. Elle en faisoit un si grand mystère, elle les donnoit si difficilement et elle tesmoignoit les estimer si peu, que cela aug- mentait encore sa gloire. »

Telle fust la vraye Précieuse 9— sobre de stile, généreuse, alliant les qualités de l’esprit à la no- blesse du cœur, la simplicité au bon goust, la cor- rection des manières aux grâces du langage, l’ex- trême opposé de la femme savante, de la Philaminte qu’on peut reconnoître sous le masque de Damo- phile :

— « Il y a à Mytilène — dit Mademoiselle de