Page:Uzanne - La Reliure moderne.djvu/272

Cette page n’a pas encore été corrigée

seraient capabJcs d’enjalouser à la folie le cœur même de leurs légitimes épouses.

Ici sont des poètes, des artistes, des lettrés, des clercs de basoche, des robins, des procureurs, des légistes, des mondains démondainisés, des châtelains solitaires. Ici également se rencontrent d’honnêtes et élégantes dames et damoiselles, Muses de la bibliophilie délicate , passionnées pour leurs livres favoris qu’elles se plaisent à vêtir de maroquin, de velours et de soie. Ceux-là et celles-ci sont touchés de la grâce ; ils ont le plaisir de posséder, le désir de rechercher avec discernement et goût, et l’intime jouissance d’alimenter leur esprit d’œuvres charmantes et quintessenciées, dévorées dans la caressante sensation d’une belle typographie, au bruit joyeux du papier de Hollande et des gardes remuées, tandis que leur toucher même est caressé par la douceur lisse des maroquins polis ou l’onduleux moirage des tabis.

Ce sont les sages et les heureux ! — tout le long de leurs murs tapissés de livres, ils passent et repassent, l’œil flatté, ébloui, enliessé par le chatoiement des couleurs et la diversité des tons de reliure ; ils retrouveront là tous les amis connus, à l’aide desquels, les soirs d’hiver, les heures se sont envolées si légères et si brèves dans l’emparadisement de l’imagination. Au seul titre d’un volume, ils tressaillent, évoquant toute une affabulation romanesque, relevée par la magie d’un