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Johannot ! il n’est signalé nulle part ; je ne veux pas omettre de vous faire également admirer ces fines vignettes de Gigoux, de Louis Boulanger, de Devéria, de Wattier
Portrait de Philothée O’Neddy.
et autres, sur des ouvrages que je crois être le seul à posséder ; tous ces exemplaires non rognés, avec couvertures, selon les grands principes conservateurs ;…vous êtes ébloui, renversé, je suppose, et ma Romanticomanie s’exalte devant votre ahurissement, car, possédant tant de volumes inconnus de tous, je m’enorgueillis souvent jusqu’à me croire le Saint Pierre vigilant du Purgatoire Romantique ! »

De fait, j’étais littéralement aplati, grisé de surprises jusqu’à la fatigue cérébrale et travaillé par ce papillotement de l’œil qui décèle l’engourdissement comateux. Il m’avait fallu inconsciemment venir en pleine campagne normande, dons ce Château perdu dans la verdure, pour reconstituer comme dans un rêve toute une bibliographie romantique d’un ordre très intéressant et d’une illustration suprêmement fantastique ! — Car,
Vignette de E. Lami pour
Monsieur Joseph.
il n’y avait pas à barguigner ou à discuter : Bernard d’Isgny me mettait en main des ouvrages d’origine incontestable et qui, Dieu sait comment, avaient pu échapper aux investigations de tous les catalographes pour mystérieusement prendre rang dans cette belle bibliothèque de gentilhomme campagnard, laborieux et fureteur.

Lorsque je pris congé de lui, j’étais comme le dormeur éveillé de la légende orientale, très incertain de mes visions, et mon inquiétude d’inconscience ne fit que s’exaspérer par la suite, quand, au contact de mes amis bibliophiles, je percevais l’hilarité qui saluait le récit de cette visite à des Romantiques inglorieux et ignorés, bien vite taxés d’imaginaires. Plus je citais de titres et plus je glosais sur ces