Page:Uzanne - Contes pour les bibliophiles, 1895.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui réalisait son idéal de romanesque confortable ; il était jeune, solide, téméraire, supérieur dans tous les exercices du corps et, de plus il possédait assez de dollars pour défrayer toutes les fantaisies. C’était donc le héros rêvé. Robert, de son côté, ne résista point, et deux mois après la première entrevue, les noces furent célébrées à Londres. Le journal England illustrated News publia un dessin gravé en commémoration de cette cérémonie, qui préoccupa, quelques jours durant, tous les printing offices de la Cité.

Le nouveau marié, à peine installé en une princière demeure, au milieu de laquelle il avait conservé, dans sa library, la tête desséchée du roi d’Égypte munie de son bandeau d’or fatal, repartit bientôt pour l’Afrique. C’était son voyage de lune de miel, combiné avec un but déterminé de consacrer quelques mois à la chasse de l’éléphant, car vous savez que la poursuite de ce lourd mammifère est devenue un art qui a ses règles et sa stratégie, et Robert Magrin ne pouvait certes pas vieillir sans y être passé maître.

Les meilleurs, les seuls chasseurs d’éléphants dignes de ce nom, sont les Arabes Bagaras, qui opèrent du côté du Nil Blanc, vers le 13e degré de latitude nord. Ce fut vers cette direction que notre hardi coureur de plaines se rendit, accompagné de sa jeune épouse, non moins aventureuse que lui et décidée à le suivre à travers tous les périls.

Robert n’avait du reste attaché aucune importance à la prophétie du bandeau royal, et s’il racontait souvent cette étrange découverte, c’était pour en sourire et sans qu’il en fût réellement impressionné.

Parvenu avec une nombreuse escorte au centre même des chasseurs d’ivoire, en une tribu favorable, il organisa sa première expédition pour le lendemain matin même de son arrivée.

La chasse qu’il se proposait de faire consistait en une sorte de combat loyal à la lance ; l’homme à cheval, muni d’un bambou ferré, part à la découverte, accompagné d’un ou de deux autres cavaliers tout au plus,