avaient été pris, les deux amoureux, par la tempête formidable et roulés dans la grande catastrophe faite de millions de catastrophes particulières. Le pimpant officier de 1789, en quittant les Islettes pour se lancer dans la chouannerie, emporta l’Almanack des Muses, en souvenir des jours heureux, et, jusqu’au voyage final, de Pornic aux rues sanglantes de Nantes, il relut sans doute bien souvent, avec un amer sourire aux lèvres en songeant aux douces heures passées sous la charmille à côté de Sylvie, les poésies légères, les pastorales et les madrigaux d’avant le déluge.
Les Islettes, divisées en une quinzaine
de lots, ne sont plus les Islettes ; le château
contient les bureaux et l’habitation d’un
gros manufacturier, qui de la charmille surveille
les cheminées de son usine noircissant
l’azur à 500 mètres au delà. Le parc
bouleversé, coupé en tranches égales, en jardins carrés et niaisement
combinés, contient deux belles rangées de maisons bien régulières, des
cubes d’un bourgeoisisme effréné, avec des boules de verre devant les
portes et des statuettes de galants jardiniers en zinc. Disparu, le temple
de la Nature ! écroulé définitivement, le petit Amour rococo ! finies, les
Islettes !
Et toi, pauvre Almanach des Muses, qui, du salon des Islettes, en passant par les plaines de la Vendée guerroyante et par les sinistres prisons de Nantes, t’en vins échouer dans la boîte à 12 sous des quais, repose en paix maintenant chez un ami, à l’abri pour le plus longtemps possible, je l’espère, dans un bon coin, sur le rayon le plus tranquille et le plus poétique de la bibliothèque.
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