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Lorsque Mariette apporta le thé, vos rêves me parurent rentrer effarés et timides dans leur joli nid, — votre silence fut moins complet, — mon attitude fut plus décente.

Le thé était exquis, chaud, parfumé, versé par la main des Grâces ; c’était de l’ambroisie. — Vous étiez ce soir-là enivrante de beauté et de langueur, dans ce coquet peignoir Watteau bleu cendré, rehaussé de malines ; vous possédiez ce teint ! pétri de lis et de roses, dont les anciens poètes nous ont légué l’expression ; votre fine chevelure blonde brillait, avec des reflets de bronze pâle ; et puis, votre grand salon était si purement, si voluptueusement Louis XV, depuis ses lambris en camaïeu jusqu’à votre mule de satin, que, par ma foi, j’aurais été pendable, si, dépouillant mon humeur brutale, je ne me fusse pas mis à Crébillonner avec vous.

Combien je vous sus gré du fond de mon cœur, de n’entrevoir chez vous ni sac de chez Boissier, ni coffret de chez Giroux, ni écrin de chez Fontana ; votre logis semblait vierge de toute importation d’étrennes, et je trouvais enfin un refuge, une tiède oasis, contre l’enfer du jour de l’an.

Nous étions là sur la causeuse, le guéridon placé tout près, un délicat service de Saxe à portée de la main.

— Un nuage de lait ? me disiez-vous.

— Mille grâces ?

— Pourquoi cette curiosité ? repreniez-vous, suivant le fil de la con-